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vendredi 22 novembre 2013

L'imposture de la self defense...





*Donn F. Draeger, pionnier d'un autre temps... Qui illustre à merveille la notion de crédibilité et d'efficacité en arts de combats.



De tous temps et dans les Traditions martiales les plus ancrées, l'efficacité était une valeur, une donnée certifiée qui offrait respectabilité et crédibilité à celui qui la cultivait et savait la transmettre à qui de droit.

De nos jours, cette particularité martiale, comme bien d'autres, est travestie, corrompue, devenant ici un gage de performance face à l'éventualité d'une agression, ou bien là une méthode de développement personnel qui s'éloigne de l'essence de l'art.

Les pionniers de toutes origines, les précurseurs n'étaient pas des affairistes ni des complaisants face à leurs élèves, lesquels n'étaient d'ailleurs pas considérés comme "clients" ou assimilés à un panel représentatif de conciliants, d'admirateurs préoccupés par la non maîtrise d'eux même et le souhait si peu tangible de devenir sans trop d'efforts plus "vrais" que nature, affrontant en toute sécurité leurs peurs primales.

Ce vaste fourre-tout spéculateur qu'est devenu le marché de la self défense n'offre à présent qu'incertitudes et spectacle de désolation face à une demande toujours croissante, sincère et honnête...

Devant cet écran de fumée, beaucoup se sentent dubitatifs, hésitants, et s'interrogent à juste titre sur le sens réel de leur quête martiale. Une foule d'incertitudes se bouscule devant le portillon d'une self défense sclérosée, dévoyée... Les élèves ne restent pas dans ces cours, consomment un peu et repartent avec encore davantage de confusion, ou bien font semblant, boivent à grande ampleur des discours rassurants et pratiquent des techniques inadaptées (pour eux et pour les instants de vérité), avant de se retrouver la gorge nouée devant des situations inextricables avec si peu d'outils utiles pour y faire face.

Derrière ce même écran de fumée, quelque-uns poursuivent leur ascension et continuent de s'enrichir sans remords, prenant leurs élèves pour des moutons ou des vaches à lait en prônant un discours stérile et ennuyeux, tout en exploitant une expérience dont ils n'auront jamais la maîtrise, copiant de ci de là ce qu'ils ont trouvé de séduisant ailleurs sans savoir forcément le faire réellement fonctionner. Comme à l'image d'un moteur sur puissant que l'on est incapable d'alimenter suffisamment en énergie...

Alors à toi, qui refuse l'inacceptable, à toi, qui cherche à t'épanouir sereinement dans une discipline ou une pratique dédiée à la sécurité personnelle, réfléchis un peu, prends le temps de faire le point et recense tes besoins en matière de pratique... Que recherches-tu vraiment ? Un label, un nom, une école, une complaisance, de la reconnaissance ?

Est-ce que dire que l'on pratique tel ou tel style avec tel ou tel professeur est un gage d'efficacité, plutôt que de pratiquer une discipline peu représentée avec un professeur qui ne recherche pas à s'afficher sur la place publique, n'en éprouvant ni l'intérêt, ni le besoin ..?

L'heure du réveil à sonné !

Lors de rixes ou "embrouilles" on assiste parfois à des florilèges d'annonces du genre "attention moi je pratique ceci avec untel et tu vas voir ce que je vais te mettre, etc...". Il faut savoir que l'efficacité n'a pas de nom, que l'efficacité n'est pas un "show", ni une étiquette qu'on se pastille sur le front pour se faire mousser. En self défense il est primordial de rester humble, de ne pas prôner  une quelconque supériorité, d'autant plus que les qualités à développer ne s'apprennent pas forcément mais se révèlent plutôt, se peaufinent, s'accentuent par un seul vecteur, l'être...et non le paraître ou l'amalgame douteux.
Et ce genre de vérité peu lucrative, seul un enseignant sincère & passionné saura la partager à ses élèves.

Henry Plée, dont je recommande la lecture de façon quasi systématique, évoque les maîtres de l'ombre dans ses fameuses chroniques et ses ouvrages références. Ces "personnes, (un peu comme Terence Hill dans le western spaghetti "My name is nobody", comprendra qui pourra ;-), ne sont pas aussi "cachées" ou "secrètes" mais plutôt discrètes et "effacées", peu enclines à se répandre inutilement par médias interposés, et n'ayant pas la prétention ni la nécessité de devoir convaincre. Il peut s'agir d'un prof situé près de chez vous, qui enseigne une discipline traditionnelle, du MMA ou de la boxe, il peut s'agir d'un maître d'arme ou d'un combattant aguerri, mais dans tous les cas il s'agira d'un révélateur de conscience, d'un découvreur de voie, très loin de notions écoeurantes d'obscurantisme, de méditations hasardeuses et de considérations liées à une sorte de numismatique (argent & médailles).


Ce petit billet fait écho à de multiples échanges en privé avec des pratiquants de diverses cultures et horizons, professionnels ou amateurs, enseignants ou élèves, accès sur la défense personnelle ou l'art martial en général, adeptes de combat et d'efficacité, souvent en recherche constante et refusant toute forme de compromis dans leur engagement martial.

Désormais, en fonction de mes activités je tenterai de revenir un peu plus souvent vous présenter quelques nouveautés, annonces & articles percutants ;-)


Merci à toutes & à tous pour votre fidélité et vos nombreuses sollicitations !



lundi 5 août 2013

Pédagogie & protection personnelle, par Eric HENRION...



Eric Henrion compte parmi ces pratiquants authentiques que je côtoie depuis bon nombre d'années.
Formateur de formateurs au sein de la Police Nationale, il exerce ses activités pédagogiques avec en clef de voûte un sens du perfectionnisme constant.
Eric est aussi et surtout un fervent passionné d'arts martiaux et de self défense. Enseignant de karaté et de protection personnelle, titulaire d'un brevet d'état, il s'exerce et pratique intensivement avec ses pairs pour affiner sa propre perception de la protection personnelle.
Actuellement, je ne connais personne qui soit à la fois adepte chevronné, enseignant émérite et aussi fin pédagogue. Et dans ce microcosme de la self défense, Eric est l'un des rares à posséder avec humilité, crédibilité et recul suffisant, le potentiel pour dispenser un message à la fois efficace et emprunt d'un vécu réel.

Il publie sa "Proposition d'une méthode de formation à la self défense et à la protection personnelle", en dehors de tout clivage et avec une profondeur d'esprit qui lui fait honneur... Bonne lecture !



1) Eric, que dirais-tu de commencer par quelques mots de présentation afin d'éclairer nos lecteurs sur ton cheminement ?

Pas si évident de répondre à cette simple question…
Du côté professionnel, j’indique à la fin du livre que je suis policier depuis plus de quinze ans. Je suis passé par des services très diversifiés… voire spécifiques. Le fait que je n’en dise pas plus n’indique en aucun cas que j’ai fait partie d’un « groupe d’élite » ; en fait je cherche d’une part à éviter toute légitimation du fait d’un simple CV mais aussi, en tant que policiers, nous avons des obligations de prudence quant à ce qu’on dévoile sur le net. Et me plier à cette obligation ne me paraît pas dénuée de sens, bien au contraire !! Je dirais juste que, grâce à ma profession mais aussi à ma pratique personnelle, je dispose des outils me permettant d’élaborer ce que je propose. 
Côté sportif, je suis titulaire du brevet d’état de karaté 1° depuis 2001. J’ai commencé le sport tard : à 18 ans. Comme je voulais être policier, mon plus vieil ami Johann, m’a dit : « tu veux faire du karaté, tu veux être policier, faut courir ». Non seulement il m’a entrainé pour le Cooper (puisqu’à l’époque on avait le Cooper à passer) mais m’a aussi présenté le club de karaté de son enfance, celui de Gilbert Gruss. Du fait de déménagements et de changements professionnels, j’ai pu ensuite profiter des cours de Raymond Dumont, André Jacquin, Albert Boutboul et Pascal Heumbert, et en dernier avec Pascal Plée. J’ai fait, comme beaucoup, des stages avec d’autres professeurs : Thierry Masci, Gérard Chemama, Daniel Baur, Jean-Louis Morel, Marc Zerhat, Pierre Portocarrero, Hiroo Mochizuki, Taiji Kase et même le décrié Stéfano Surace. Puis j’ai élargi mon champ de pratique avec Fred Perrin et Philippe Perroti, et aussi avec des personnalités comme les kuarenoken ou Lee Morrison. 
Parallèlement je pratique aussi la musculation et la course nature avec un soupçon de natation. On a beau faire, la condition physique reste primordiale dans notre « matière ». 
Je me suis essayé à quelques compétitions de karaté, mais je n’avais ni l’envie ni le talent pour « performer ». Les quelques combats que j’ai pu remporter l’ont été pour de mauvaises raisons : des comptes à régler, et je n’étais donc pas loin de me faire disqualifier.
Et j’ai forcément été influencé par les écrits d’Henry Plée, même si des lectures postérieures m’ont permis d’en relativiser certains ; en tous cas il m’a ouvert des perspectives nouvelles, et c’est ce que j’en retiens…


2) Selon toi, quel est le sens d'une pratique martiale consacrée à la self défense ?

A mon sens cette question renvoie immédiatement à une nécessaire contextualisation. 
Je conçois la self-défense comme l’ensemble des moyens dont un individu dispose pour faire face à une situation « problématique ». Il y a donc « moi » et le « contexte ». 
Or dans une pratique martiale telle que celle du karaté (je ne vais pas entrer dans les débats « budo », sports de combat… le karaté comme bon nombre d’autres pratiques est appelé un art martial) on est déconnecté de ce contexte par le simple fait, par exemple, d’être en karatégi et pieds nus sur une surface bien plane. Il y a donc lieu de s’interroger : pourquoi le karatégi ? pourquoi pieds nus ? Sans entrer dans l’histoire, on est ainsi, maintenant à notre époque, parce qu’il y a lieu de respecter une étiquette. 
Donc le sens d’une pratique martiale consacrée à la self-défense, c’est avant tout les questions qu’on se pose : pourquoi fait-on les choses ainsi ? Puis : ont-elles du sens par rapport à ce qu’on attend ? Ce que j’apprends est-il assimilable, transposable, dans un contexte actuel éventuellement dégradé du fait d’une situation et/ou d’un individu ? C’est là le troisième angle : il y a « moi », « le contexte », et « l’autre ». 
La pratique martiale consacrée à la self-défense doit couvrir ces trois angles, et explorer tous les autres champs qu’ils ouvrent : la préparation, les facteurs d’influence, les émotions, les postures, les suites policières… 
Par ailleurs, le sens de cette pratique doit être latent en quasi permanence. 
De manière très abstraite on pourrait résumer ça ainsi : qu’est ce que je mets en place dans la vie de tous les jours qui me permet d’être bien et prêt ou au contraire qui m’attire des ennuis ?

3) Ton ouvrage se décline sous un grand format, très pratique & agréable à parcourir. Plusieurs concepts et modules pédagogiques sont pour la première fois abordés en matière de protection personnelle. Peux tu nous en dire davantage sur l'état actuel de tes recherches et sur ce qui t'a amené à rédiger cette véritable méthodologie de formation ?

Il y a eu plusieurs étapes.
Pour commencer, si j’ai été vraiment surpris et intéressé par le tronc commun d’éducateur sportif que j’avais passé en candidat libre avec le CNED, j’ai été en revanche extrêmement déçu par la pédagogie de mise lors du spécifique Karaté. Beaucoup d’effets d’annonce, beaucoup de pub, mais rien de tangible et puis des préconisations bien loin des réalités. Par exemple : on nous demandait d’établir des fiches de cours pour des niveaux et des âges bien précis parce que… c’était ce qui était demandé… à l’examen. Or dans la plupart des clubs que j’ai fréquentés, il n’était pas rare d’avoir des cours rassemblant des pratiquants de la ceinture blanche à la ceinture noire, et de l’ado au retraité. C’était d’ailleurs quelques chose qui me plaisait : il fallait individualiser les cours. Autant dire que je n’ai jamais fait une fiche de cours telle que préconisée pendant ce spécifique. Quoiqu’il en soit et même s’il n’était plus là lorsque j’ai passé ce diplôme, c’est avec le livre de Gérard Chemama et Henri Herbin « enseigner le karaté do », que j’ai entendu parler d’objectif. Mais même à cette époque, je crois que je n’avais pas la mécanique intellectuelle pour comprendre la portée de ces conseils, d’autant qu’en tant que pratiquant on a tendance à s’enfermer dans le « programme fédéral ».
Ensuite, quelques années et quelques bouquins plus tard (dont PROTEGOR, d’ailleurs le terme « quoddam » est un clin d’œil indirect à PROTEGOR puisque c’est un terme latin), je suis tombé sur R.E.P.E.R.E.S, petit ouvrage collectif auquel tu as participé et compilé par Patrick Vincent. Et je me souviens d’un post, mais je ne sais plus sur quel forum qui indiquait qu’un enseignant avait affiché R.E.P.E.R.E.S dans son club : quelques personnes l’avaient lu, mais il constatait l’échec de sa démarche. Je me suis donc interrogé : les conseils indiqués étaient particulièrement pertinents et pourtant ça ne marche pas, pourquoi ? 
Ensuite, R.E.P.E.R.E.S a été réécrit et complété à plusieurs mains, sous l’impulsion de Patrick, mais ça restait quelque chose à lire et pas à vivre… Et puis il y avait tous ces contenus livrés par divers membres que ce soit sur Kwoon ou sur David Manise, toujours aussi pertinents voire essentiels, mais pas toujours organisés…
Il y a environ trois ans, je bénéficie d’une nouvelle mutation et j’apprends un nouveau métier (en fait j’en suis à quatre métiers pour une même profession, ce qui est plutôt sympa) dont l’un des aspects est la conception d’action de formation. Je m’entraine donc sur R.E.P.E.R.E.S 2 et j’en fait un séquencier avec des objectifs pédagogiques ; mais je travaille à l’envers, je suis parti d’un petit livre et non des besoins. Mais comment faire exprimer ces besoins ? 
J’en suis encore à ces réflexions lorsqu’un membre du forum David Manise me demande de faire une petite intervention de 3 heures dans son club. Je me prends au jeu et je prépare une vraie séance (le premier exemple dans le livre), et j’arrive avec mon paper-board, et le bouclier qu’on voit sur la photo. Dans l’ensemble, j’ai été plutôt satisfait de la séance, mais pour être honnête j’aurais du demander un retour des participants, ça aurait été plus « transparent ». 
Je me remets ensuite à cogiter, et grâce à mes collègues (notamment Céline et Jean-Marie), je comprends mieux certaines choses : l’utilité d’un référentiel de compétences, une progression pédagogique, des objectifs univoques, et des « méthodes » pour faire vivre des situations pour que la charge émotionnelle puisse aider à la mémorisation. J’ai donc repris toute la doc que j’avais accumulée et c’est là que j’ai pu éclaircir l’expression des besoins, et la nature de la demande. En fait tout était là mais de manière nébuleuse : « j’ai besoin d’avoir de l’assurance, quelques techniques, pourquoi ai-je été victime, qu’est ce qui va m’arriver si je me défends… » 
J’ai donc repris R.E.P.E.R.E.S 2 et pour le deuxième exemple du livre, je me suis concentré sur ce qui pouvait être considéré comme fondamental (même si ce constat là est arbitraire). 
Je me suis aussi interrogé sur un équilibre contenus théoriques/engagement physique (sauf sur la dernière fiche) d’autant que j’ai pu constater notamment sur mes premières années de pratique que je sortais parfois de l’entrainement avec l’envie d’essayer ce que j’avais vu en cours… Pas très sain comme état d’esprit, mais n’étant en rien exceptionnel, je pense ne pas avoir été le seul dans ce cas. 
Je ne sais pas si j’y suis arrivé, mais l’un des buts de ce livre était que les enseignants/formateurs permettent aux participants de gagner en assurance et en possibilité de défense sans avoir envie d’essayer. 
En revanche, je n’ai pas encore résolu le problème suivant : comment fait-on pour évaluer ces séances de self-défense et de protection personnelle ? Puisqu’à priori, toute action de formation est inutile jusqu’à preuve du contraire… Et bien entendu je ne souhaite pas retomber dans la facilité d’un passage de grade…

4) A l'heure actuelle, dans l'univers de la self défense, beaucoup d'enseignants manquent de recul, de pondération et de crédibilité face aux risques multiples d'une phase agression mal gérée. Alors que penser de la self-défense, globalement, comment un(e) débutant(e) sincère peut s'engager dans cette forme de pratique en s'égarant le moins possible ?

Un prof, enseignement, instructeur, formateur (peu importe l’appellation) est important mais l’acteur principal reste le formé. C’est sa motivation à lui qui fera toute la différence. Et à ce titre, pour ce qui concerne la self-défense, je ne suis pas sûr que les participants aient besoin de cours réguliers ; en revanche, ils devront trouver la motivation de s’entrainer par eux-même. Le code couleur de la vigilance peut se mettre en œuvre à tout moment, pour la condition physique une paire de running suffit ; le formateur, lui, sera plutôt là pour « calibrer » des situations et débriefer sur ce que les participants vivent. 
Je suis partagé parce qu’on appelle la crédibilité. J’ai connu des vices champions du monde et des champions du monde, pas foutu d’être crédible côté pédagogie… en fait ils n’étaient tout simplement pas crédibles en tant qu’être humain… Par contre ils auraient été parfaits pour former des psychopathes !! Donc le super-guerrier, je m’en méfie autant que Candy… Quand je me rappelle certaines paroles de Fred Perrin lors des entrainements : « ne tuez pas votre partenaire… vous pourriez le reproduire en situation », je me dis que là on est avec quelqu’un qui sait de quoi il parle, et qu’il ne veut pas former des tueurs mais des gens aptes à se défendre sans commettre l’irréparable. 
A côté de tout ça, il y a toujours une phrase ou plutôt une expression qui me fait bondir : « j’assume »… Pour avoir vu des gars solides pris dans la tourmente de la garde à vue puis du système judiciaire, on peut dire que sur le moment, ils n’assument pas grand chose. Et c’est normal… A ce stade on n’a pas vraiment les cartes en main, et ça c’est bien d’y penser aussi avant qu’il nous arrive des bricoles. Bien entendu ce constat ne vaut pas pour les délinquants multirécidivistes, mais notre propos est bien de former des « honnêtes gens ». 
C’est d’ailleurs parallèlement à ce constat que j’ai repris des éléments des livres de Christophe Jacquemart : quelles sont les situations pour lesquelles on s’engagerait dans un combat ? quelles peuvent être les conséquences : physiques, émotionnelles, professionnelles, financières… ? 

5) D'une qualité didactique irréprochable, ton bouquin trouve naturellement sa place en salle ou sur le terrain, et sur n'importe quelle autre surface de pratique réaliste. Cette orientation à la fois pédagogique & pratique permet de visualiser et d'illustrer instantanément le séquentiel d'un cours afin de délivrer un message cohérent en osmose avec la réalité. En tant que précurseur dans cette "niche martiale", d'où provient cette façon de faire ?

Clairement de mon travail. Je n’ai rien inventé. La plupart des programmes de l’institution policière sont construits selon la méthode pédagogique de l’approche par les compétences (courant socio-constructiviste). Il semblerait que cette méthode ait vu le jour à Issoire, puis a été adoptée et perfectionnée par les Québecois (développement des compétences à l’école de police de Québec avec Madeleine Lupien), avant de revenir en France.
Je ne suis pas sûr que tous les objectifs puissent être passés ainsi compte tenu des spécificités et des contraintes des structures de formation ; par contre, en l’ayant vu jouer dans les règles de l’art, on ne peut nier que ça fonctionne. Ne faire que du théorique : c’est limité, un exposé n’est pas pratiquer ; ne faire que du technique : c’est limité, ce n’est pas ça qui nous apprendra à revoir notre comportement. 
Pour ce qui est de notre matière, on cherche à faire vivre une situation (un cas joué, ou une étude de cas), on observe, on laisse débattre, on demande ce qu’ils ressentent, ce que ça provoque, on propose des solutions avec des conséquences, et on continue selon une progression bien déterminée en revenant assez régulièrement sur le référentiel de compétences (le mode d’emploi pour faire les choses de manière idéale) ; bien entendu il faut aussi faire acquérir des gestes techniques (les plus simples à mettre en œuvre), et on tente de les mettre en corrélation avec les principes de la séance. 
En fait, on peut peut-être résumer ce qui se passe dans la tête ainsi : avant de débuter une pratique, on est démunis mais on ne le sait pas (on est libre d’aller où on veut comme on veut…) ; en débutant on commence à prendre conscience qu’on est démunis (et cette phase, normalement temporaire, peut laisser croire qu’on devient paranoïaque, obsessionnel…) ; pendant la pratique, comprendre sur la globalité de celle-ci, on est conscient qu’on a des outils pour répondre aux situations ; et au final, on a les outils sans forcer sa conscience, on devient autonome. On tend vers l’équilibre entre automatisme et adaptation. Et ça pose cette question : si la pratique devrait durer toute la vie, qu’en est-il de l’inscription au club ? Les clubs « fédérés » souhaitent-ils faire atteindre l’autonomie à leurs élèves ?

6) Eric, concernant ta propre pratique, peux tu nous éclairer encore un peu ? Egalement, j'aimerais aussi que tu nous dises ce que tu fais dans ton garage
 ;-)

Pour ce qui est de ma pratique actuelle, elle est composée de pas mal de footing (et y’a rien de plat ici !!), et de musculation plutôt basique : développé couché, tractions, mouvements de base de Kettlebells, et de la frappe sur makiwara ou sur B.O.B soit en frappe lourde soit en « touché ». Ex : pique aux yeux de la main gauche et coup au tibia du pied droit simultanément en frappe légère puis enchainement « lourd » avec coude et genou. 
De temps en temps des petits retours au nunchaku et au couteau. 
Même si en self-défense on préconise de ne pas lever la jambe plus haut que la ceinture, je continue de travailler les coups de pieds parce que j’ai toujours une petite facilité et j’ai remarqué aussi que dans les écoles où on ne les travaillait pas, les élèves n’étaient pas habitués à les bloquer ou les éviter, du coup un circulaire haut par exemple redevenait efficient.
Quant au garage , c’est mon «lieu spirituel », c’est là que je m’entraine et que je prépare les séances et autres projets. 
En fait il y a normalement assez de surface pour accueillir 6 ou 7 personnes et j’ai tenté de monter une structure personnelle. Mais la responsabilité civile professionnelle était trop chère par rapport à ce que je voulais demander aux participants. Ensuite, j’ai eu des informations contradictoires entre l’URSAFF et les services préfectoraux pour ce qui concernait les associations et le statut d’auto entrepreneur, et plus je me renseignais, plus c’était opaque, j’ai donc laissé tomber.

7) Le mot de la fin...
Cette première pierre à l'édifice n'est qu'un début ?

Effectivement, j’ai déjà des idées pour d’autres modules, j’attends un peu de voir comment cet opus sera accueilli. J’ai failli le sortir sous un pseudo, mais quelque part, s’il faut recevoir des critiques, c’est peut-être moins « hypocrites » de les prendre sous son propre nom…
D’ailleurs, une boite mail est dédiée aux remarques et critiques : 
 promet.fordef.pro@gmail.com
Et comme c’est le mot de la fin, même si c’est « bateau », je remercie quelques partenaires : les anciens Juju de la Montagne, Jérôme, Simon et Philippe de la même Montagne, Thierry, mon partenaire de la salle du 12ème arrondissement… C’est toujours embêtant parce qu’on en oublie forcément… Bien sûr, Fred, tu es dans la liste… Ton PROTEGOR en a inspiré plus d’un… Et il y a aussi tous ceux avec qui j’ai pu échanger sur le sujet et qu’on trouve sur le forum de David Manise et/ou sur Kwoon. On pense souvent qu’on ne doit rien à personne, qu’on fait un travail tout seul dans un coin, mais ce n’est pas vrai… C’est souvent, au bout du compte le travail d’une équipe, même si elle est informelle voire impalpable…



L'ouvrage d'Eric est disponible chez Lulu. 

samedi 29 juin 2013

Le souffle, sous le sceau du secret...





Lecture recommandée...

Avec ce nouvel opus qui s'inscrit dans la droite lignée de ses précédents ouvrages, Michel Chiambretto, invite le lecteur à parcourir ces chemins de traverses initiatiques qui jalonnent et ponctuent la voie de tout cherchant en quête d'authenticité et de sincérité dans sa pratique, notamment martiale.

A la croisée de ces chemins, entre spiritualité et ésotérisme, l'auteur nous dévoile dans ce nouvel ouvrage, les résultats de ses pérégrinations et impressions, autour du souffle si "emblématique" qui guide & relie de nombreuses Traditions dans le monde. Ce souffle est un outil de transcendance, de franchissement, un signe de "reco-naissance", une main tendue vers l'Art et le Grand Oeuvre que l'on réalise sur soi & pour les autres, dans une quête perpétuelle d'aboutissement et de travail.

Lire du Michel Chiambretto, c'est un peu lire sur soi-même et apprendre à connaître ce que les vestiges des Traditions passées & actuelles peuvent véhiculer comme messages initiatiques pragmatiques, assimilables.

Extrait du  quatrième de couverture de l'ouvrage, aux éditions le Mercure Dauphinois :
"Ce livre est destiné aux hommes en quête de spiritualité, Cherchants et Cheminants, oeuvrant vers une union avec l'indicible."

Déjà, avec ses précédents ouvrages (que je vous recommande également), l'auteur nous faisait toucher du bout du doigt cette implication de chaque instant dans une recherche en constante évolution, basée sur l'Art du combat dans tout son ensemble.

Fin spécialiste des arts martiaux chinois internes, enseignant et détenteur d'une réelle Tradition taoïste, Michel Chiambretto ne ménage pas ses efforts pour porter à la connaissance du plus grand nombre le résultat de ses recherches cumulées, actuelles & passées.


Pour commander l'ouvrage

dimanche 9 juin 2013

Le "push dagger", des origines à nos jours...

Rarement une lame a atteint une telle popularité parmi les amateurs de couteaux, d'arts de combat avec armes ou de techniques défensives.
Le push dagger, de par sa forme primitive et l'usage qu'on lui réserve séduit ou rebute mais laisse rarement indifférent, mais plongeons nous dans l'univers d'une lame pas si banale qu'il n'en parait de prime abord...

Depuis la nuit des temps, l'Homme s'est essayé à prolonger sa main d'une arme piquante, contondante, tranchante afin d'accroître son allonge, de parfaire sa vélocité, de propulser ou d'acquérir une énergie "brute" et efficace au combat, que ce soit contre ses prédateurs naturels ou pour la défense de son territoire & la préservation de son espèce.

La forme si atypique du push dagger appartient à cette catégorie de lames qu'il convient de décrire avec circonspection, jouissant d'une réputation souvent dévoyée, emprunte de mysticisme et réservée à des usages peu nobles... Peut être en est-il tout autrement !

La distance qui sépare l'Homme de sa lame est comparable à celle qui relie son coeur à sa main, et au milieu des lames emblématiques voire votives, la particularité du push dagger est à l'Homme ce que la griffe est au fauve.

Derrière cet attribut se cache une lame pratique & terriblement fonctionnelle, conçue pour combattre, et dédiée à la défense personnelle.
Chargé d'histoire, traversant les temps, parcourant les continents, le push dagger est une lame à l'aspect unique dont la pure vocation n'est autre que de prolonger le bras de l'Homme, à la façon d'un outil, d'une possibilité de vaincre et de repousser, de faire face à l'adversité.

La première forme de push dagger est le Katar indien qui est une sorte de dague triangulaire à double tranchant, plus ou moins courte, et dont deux bras parallèles prolongent la lame sur l'arrière, offrant ainsi une protection de l'avant bras, de chaque côté du radius. Le Katar est tenu par une ou plusieurs barres transversales situées à l'intérieur de ces "bras protecteurs" latéraux prolongés.
La particularité du Katar est d'être une arme blanche complètement stable, d'une prise en main édifiante, coupante et perforante, s'inscrivant dans la pure ligne corporelle de l'avant bras, rendant naturel et intuitif l'usage que l'on peut en faire. Les pratiquants de Kalaripayat (art martial ancestral de l'Inde) pratiquent toujours cette forme de combat rapproché, le Katar appartenant à un arsenal d'armes très étoffées, propres à cette culture très riche.

Par son côté votif et sacralisé, les lames de Katar pouvaient être magnifiquement ornées de dorures à l'or fin, damasquinées avec des pierreries, fournies en gravures raffinées, et même parfois assemblées avec des pistolets à silex, destinées à accroître l'efficacité au combat. Ces Katar sont principalement recensés au XVIIIè siècle, dans l'Inde du Nord et à la période Mongole.
Les poings ainsi renforcés par les guerriers de l'époque permettaient de traverser une côte de maille sans difficulté.



Le push dagger n'est donc "moderne" qu'à la lumière des récents modèles qui parsèment le marché de la coutellerie mondiale.

D'un point de vu technique cette lame est fort intéressante...Inscrite dans le prolongement de l'avant bras, elle nécessite une certaine pratique pour devenir fonctionnelle et réservée à des entraînements pratiques. Et s'il s'agit bien d'une lame à ne pas placer entre n'importe quelles mains, son usage réserve de belles surprises, lors de séquences (drills) et pratiques : que ce soit en piques ou en coupe, voire en frappes ou en percussions uniquement avec le revers de la lame ou la poignée du push... Quelques applications intéressantes sont à exploiter, mais nécessitent davantage d'entraînement qu'une lame dite "classique". S'improviser à utiliser un push dagger sans les conseils d'un professeur avisés peut réserver de sérieuses blessures et de fâcheuses désillusions, rappelons à ce titre qu'il s'agit d'une arme (même antique) classée  en 6ème catégorie, dont le port et le transport sont strictement prohibés...

L'époque de la conquête de l'Ouest américain et de la ruée vers l'or contribua aussi fortement à populariser cette forme de lame désormais appelée push dagger, que les joueurs de poker & parieurs en tous genres pouvaient utiliser sous une table de jeu pour faire valoir leurs intérêts ou régler des comptes pas toujours clairs. Le push dagger de ces pionniers était destiné au combat rapproché, de "bar Saloon". Fixé sur le haut des bottes, la prise en main pouvait facilement et discrètement s'exécuter en position assise, ou à cheval.
Les plaquettes de manche en ivoire des pushs daggers de cette époque révolue sont encore très prisées par les collectionneurs.
Aujourd'hui, la société Cold Steel occupe le haut du terrain grace à sa gamme de push daggers "Safe Keeper" & "Safe maker", industriels et popularisés notamment dans plusieurs grandes productions hollywoodiennes à grands budgets.



En France, de nos jours, quelques rares couteliers se sont lancés à l'essai, et l'un des précurseurs en ce domaine fut Fred Perrin, convaincu par l'aspect pragmatique et versatile de cette lame atypique.


Sa compagne, Elsa Fantino, produit également quelques superbes modèles très inspirés, orientés "artistiques", avec une dimension féminine et néanmoins pratique, utilitaire.




Bastien Coves, de chez Bastinelli Créations  réalise aussi de superbes pièces uniques au travers d'une gamme de pushs très épurée & élaborée, aux lignes sobres et soignées, avec des possibilités de customisation diverses & variées, dont plusieurs choix possibles concernant la texture et les matériaux des manches. Les modèles de Bastien sont quasi-inoxydables et bénéficient d'une excellente ergonomie !


Voici les ami(e)s, un petit voyage dans l'univers du push dagger, une lame pas plus dangereuse qu'une autre mais qui mérite d'être (re)connue ;-)

samedi 4 mai 2013

RUES BARBARES, survivre en ville...la jonction !


Lorsqu'un ouvrage remporte un franc succès, il est à se demander ce qui a pu inspirer le ou les auteurs à transcender leurs connaissances pour les acheminer vers un lectorat aussi large et varié que possible...
Ce que je qualifierai de "saine vulgarisation" contribue utilement au fait que, plus des gens sont potentiellement confrontés ou exposés à des risques certains ou à certains risques, plus ils développent cette propension naturelle à aller vers l'information véritable, la connaissance de terrain, celle qui fait émerger les consciences et réveille l'instinct de survie...

Comme vous l'aurez compris, dans le récent ouvrage de Piero San Giorgio & de Volwest, intitulé RUES BARBARES -survivre en ville -, il n'y a pas de fioritures, pas d'amalgames, un pur concentré d'efficacité qui tronçonne tout préjugé éventuel quand à la notion de survivalisme.
 Ici, nous sommes dans la juste mesure, où la raison d'être et de faire tend à s'imposer dans une réalité parfois tragique.

Volwest est le ténor prolifique du célèbre blog francophone "Le survivaliste". A travers la constance de ses recherches et de ses interventions sous formes d'articles et de clips, il propose sans imposer, cherche sans se lasser, et expérimente les meilleures solutions en terme de survie, pour éviter aux autres de devoir un jour faire face au pire.

Piero San Giorgio est l'auteur du non moins fameux best seller "Survivre à l'effondrement économique". Ce livre est un "must read" dans son genre, à découvrir de toute urgence si ce n'est déjà fait !

Les deux auteurs ont eu la bonne idée de faire une jonction de leurs savoirs pour nous présenter une palette de solutions adaptées aux multiples situations d'urgences contemporaines. Rien de tel pour vous préparez mentalement, absorber quelques principes & évidences non acquises, afin de prendre en considération les répercussions géostratégiques, sociales, économiques, ainsi que d'appréhender au mieux les risques liés aux phénomènes naturels de grande ampleur, dans un monde en perpétuelle mutation.

Au travers de ces 400 pages au style fluide et agréable, vous découvrirez rapidement comment améliorer vos chances de survie dans un contexte dégradé, ou comment optimiser votre potentiel de résistance dans un environnement à risque. Nos grands parents et arrières grands parents avaient pour acquis certains de ces principes majeurs, que peu à peu nous avons tendance à délaisser et à jeter aux oubliettes, tant notre société aseptisée nous plonge dans un confort illusoire... La démarche de nos deux auteurs est louable, se serait-ce que pour envisager le pire afin de l'endiguer au maximum !

En fin de chapitre, des thèmes fictifs permettent d'illustrer les améliorations proposées. Un module de préparation échelonné sur un mois, ainsi qu'un jeu de questions-réponses, lèvent le voile sur l'état d'esprit à adopter en cas de crise, l'idée maîtresse étant, encore une fois, d'anticiper avant qu'elle ne se déclenche ;-)

Bonne lecture à toutes & à tous !

Pour vous procurer l'ouvrage :

RUES BARBARES -Survivre en ville -


dimanche 21 avril 2013

"Don't Tread On Me !" & la préparation mentale...

Gadsden Flag *

Tryphon Tournesol en action**

Aujourd'hui nous allons aborder une notion de résistance passive qui peut s'apparenter à la faculté de développer un point de non-retour, une zone rouge à ne pas franchir lorsque nous sommes contraints à faire face à l'adversité et à l'agression violente.

La fameuse devise du libéralisme américain "Don't tread on me !"* (Ne me marche pas dessus !) illustre à merveille cette notion d'efficacité à rechercher et à développer lorsque nous nous trouvons dans une situation "périlleuse" nécessitant action, réaction afin d'assurer sa survie ou celle des siens.

Il y a une limite à ne pas franchir et sur laquelle il convient de se préparer mentalement à l'entraînement. En visualisant certaines  situations d'engagements confuses, débouchant sur des réactions violentes, il est possible de déceler en soi sa propre capacité à refuser le conflit tout en s'y préparant âprement d'un autre côté. Tel un arc bandé, prêt à décocher sa flèche mais qui attend d'être sûr de sa cible et de la véritable nécessité de l'atteindre.

Dans la pratique martiale cela se manifeste par une prise de conscience et une cohérence dans l'échelle graduelle des réponses que nous pouvons apporter face à une agression, dans le cadre précis de la légitime défense.

Mais cette façon de faire permettra d'éviter de ne pas réagir alors qu'il était impératif de le faire, de réagir opportunément au moment juste, sans se poser de questions.
Se familiariser à cette notion du "Don' Tread On Me" favorisera l'application du principe d'action et d'inaction, tout en véhiculant en soi un "déclic", un "stop" à ne pas franchir pour l'adversaire et qui sera le point de départ de notre réponse la plus appropriée et efficace possible...

Ainsi travailler sur ses propres faiblesses à la lumière du grand jour, permet de les surmonter et de les vaincre dans l'obscurité le cas échéant.

Qu'il s'agisse d'entraînement au combat, de préparation physique ou mentale, au delà du plaisir et du besoin de pratiquer, il est nécessaire de garder à la lueur de son esprit une parcelle de lucidité, et de reconnaître les raisons qui nous incitent à pratiquer.

Lorsque la décision d'entrer en action est prise résolument, toute la préparation physique et mentale exercée en amont, évitera tout forme d'hésitation, de tâtonnement, et limitera la stupeur face aux situations imprévues.

Trois principes simples permettent d'illustrer cette phase de préparation, et d'appréhender les facteurs de désordre :

Le principe d'exercice : s'entraîner en repoussant ses propres limites, tout en "bousculant" ses certitudes. Par exemple, il peut être intéressant de pratiquer une activité cardio-musculaire intensive, puis d'aussitôt enchaîner sur un exercice de lecture à voix haute, de mémorisation, ou de concentration demandant une gestuelle précise et millimétrée.

Le principe de visualisation : se préparer mentalement à identifier un seuil critique à ne pas dépasser, que ce soit dans sa propre capacité à entrer dans la spirale de la violence que dans le fait d'apprendre à endiguer cette même violence, en alternance chez l'opposant, et en soi (désescalade verbale, gestuelle d'apaisement, attitude, dialogue, "phrasé" adéquat...)

Le principe de reconnaissance : reconnaître immédiatement une situation critique risquant potentiellement de dégénérer, en fonction des lieux, des gens, des us & coutumes locaux, et travailler sur la notion d'action-inaction en privilégiant une inaction efficace à une action stérile aux conséquences pouvant s'avérer désastreuses.

 Voici de quoi réfléchir un peu afin d'orienter sa saine pratique vers des objectifs louables, réalistes & de s'affranchir de tout conditionnement.

Bonnes recherches à toutes & à tous et merci pour vos encouragements ;-)



* La devise de ralliement des libéraux américains durant la guerre d'indépendance, chère à Benjamin Franklin, et initialisée par le colonel Christopher Gadsden en 1775.
Le "Gadsden flag" est un étendard représentant un serpent à sonnette prêt à mordre avec la devise "Don' Tread On Me", dont la symbolique puissante a été reprise par de nombreux défenseurs de la liberté.

* * Tryphon Tournesol, le célèbre professeur-chercheur, qui sort des sentiers battus dans l'excellent opus des aventures de Tintin, "Vol 714 pour Sydney", en démontrant le "coup de pied figure" emprunté à la savate ancienne.


samedi 19 janvier 2013

Interview : Elsa Fantino, l'héritière !

Pour toutes celles et ceux qui auraient des difficultés à appréhender la part de féminité concédée aux arts de combat et au domaine coutelier...

Voici l'interview "brut de forge" de la talentueuse Elsa, qui se livre ici avec passion, et authenticité, sans détours & sans concessions, telle qu'on aime la découvrir.

A lire et relire, beaucoup de messages et de valeurs sont véhiculés dans son propos, de quoi méditer assurément !



Elsa, peux-tu nous évoquer ton parcours personnel, comment t'es tu initiée au combat & a la forge ? 

Je suis née a la campagne, j'ai passé  mon enfance dans une petite vallée du Beaujolais, dans une maison sans voisins. Dès mon plus jeune âge, j'ai passé beaucoup de temps en forêt, à construire des cabanes et faire de longues marches. Mes parents et ma grand mère faisaient beaucoup de cueillettes, les champignons, les herbes, les fruits sauvages, c'était donc naturel pour moi de me considérer avec un couteau dans mes poches. Mon père me laissait prendre ses outils, j'avais le droit de bricoler, j'avais même un établi dans ma chambre. Mes parents étaient "éduc-spés", branchés sport (mon père : un roi du footing pédagogique!); ils m'ont incité à pratiquer plusieurs disciplines à un bon niveau, notamment le plongeon artistique de haut vol et le judo (en plus des footings !). J'ai commencé la compétition assez tôt, cela a formé ma combativité, et puis j'ai été éduquée par des gens qui se sont battus pour leurs idées. Je pense que cette enfance a déterminé profondément ce que je suis devenue, emprunte de vie libre en pleine nature, d'exercice physique partie prenante de l'éducation, de compétition et de débrouillardise, autant d'éléments qui sont toujours présents dans ma vie actuelle. 

Quand j'ai eu 15 ans, j'ai eu besoin de me confronter à la réalité que je croyais connaître à travers ma passion pour les livres, je suis partie a Lyon, en lycée bilingue, et j'ai fait l’expérience de la vie urbaine. A cette époque j'étais "immergée" dans la plongée sous marine, je pensais en faire mon métier, mais j'aime plus les poissons que les touristes, c'était plus raisonnable de ne pas donner suite. Après le bac je me suis exfiltrée du système scolaire avant de mourir d'ennui, je suis partie en Australie voyager... Après un an de baroude, inutile d'essayer de reprendre les études, c'est dans cette période de flottement, entre diverses formations (tronc commun pour passer un BE de plongée, formation sauvetage en mer) que j'ai pratiqué l'escrime médiévale de spectacle. Je ne savais vraiment pas comment m'accomplir, je voyais bien que je ne supporterai pas les touristes, je voulais entrer chez les marins pompiers de Marseille, mais ma myopie me l'a interdit, donc entre deux jobs alimentaires, j'ai appris a manier les épées et les boucliers, et je me suis peu à peu passionnée. J'ai commencé à me documenter sur les armes, leurs fabrications, ce qui m'a amené vers le couteau custom. J'ai acheté mes premiers magazines et visité mes premiers salons. J'ai rapidement voulu fabriquer, ce qui n'était pas simple parce que les stages étaient trop onéreux. J'ai  fini par entrer en contact avec le président de la guilde des couteliers forgerons, Yves Pellequer, qui m'a convié au rassemblement de la guilde pour mettre quelque coup de marteau. Il y en a qui sont touchés par la grâce, moi j'ai été touchée par la forge ! C'est étrange mais c'est comme ça, j'ai forgé un après midi, j'ai posé le marteau, j'ai appelé mon coloc', j'ai tout vendu dans mon appartement et posé ma dédite et je me suis consacré a la forge totalement. D'abord en allant de rassemblement en ateliers, puis en apprentissage de ferronnerie d'art. 

Ce qui a déclenché ma passion pour les arts martiaux , que j'avais effleurés avec le judo, fut la mort de mon père. Je suis rentrée dans une salle de pied poing en en voulant a la terre entière, j'y ai trouvé le chemin dont j'avais besoin pour m'accomplir et transcender ma rage. J'ai commencé par le Yoseikan Budo (Discipline fondée par Hiroo Mochizuki), qui a été pour moi une super approche du MMA (mixed martial art), puis full et karaté contact, enfin grâce a mon boulot qui me faisait beaucoup voyager aux U.S.A., j'ai pu m’entraîner sérieusement en Mixed Martial Art et Jujitsu Brésilien, même si malheureusement, je n'ai pas trouvé le moyen de faire carrière sur place. Ensuite, j 'ai attendu d'avoir un bon niveau avant d'aller a la rencontre de Fred Perrin pour mêler mes deux passions, j'y allais plus pour le maniement du couteau que pour la self en général, avec cette rencontre j'ai abordé le combat sous un jour nouveau, celui de la survie, loin du combat rituel des disciplines sportives





 De quelle façon orientes tu tes recherches, quelles sont tes sources d'inspiration ? 

 J'ai un lien spontané avec les objets tranchants. L'important pour moi, c'est d'abord d'avoir une vie ou l'usage des lames est quotidien : je fais mon bois, j'ai un jardin, je cuisine, ça m'arrive de chasser avec des amis, je fais des cueillettes, tous ces gestes simples m'inspirent. Il m'aident a garder un coté pragmatique, un objet n'est pas une forme qui se conçois à plat sur une feuille, mais avant tout un usage, de longs moments passé dans la main. Ce sont souvent mes mains qui pensent pour moi.
 J'ai eu la chance de beaucoup voyager, pour l'aventure ou grâce à mon métier. Dans des mégalopoles ou des lieux éloignés de la civilisation, ces voyages m'ont permis d’expérimenter des  modes de vie, cela m'aide a me projeter dans des usages auxquels je ne penserai par forcément. Je pratique l’empathie a travers les objets, c'est ma façon de rendre compte de mes rencontres, de ce qu'elles ont pu  me transmettre, le voyage reste un de mes but dans l’existence, la forge est un moyen pour moi de témoigner de mon ressenti sur le monde, c'est sans doute en cela que la coutellerie peut se poser en terme d'art.
Ensuite, je me nourrie de l'art, justement. J'aime la peinture, la sculpture, les arts décoratifs, j'essaie d'aller voir des expos, de prendre le temps de regarder vraiment ce qui m’entoure, l'architecture, mais aussi le monde végétal ou le règne animal. Je cherche partout, dans la mode, dans le design, je feuillette beaucoup de magazines, des livre d'arts. J'aime les objets anciens, même très primitifs. Je suis fan des productions des studios Gybli, de Tim Burton, j'aime le nouveau courant steam punk, c'est sans doute une forme de nostalgie, pour l'enfance ou les choses du passé... mais c'est un autre sujet ! 
Parmi ce qui me nourrie, il y a mes nombreuses passions, des activités que je pratique, ou pour lesquelles je me suis passionnée à fond à certaines périodes de ma vie, et qui restent en moi, comme la plongée, ou l'équitation, je n'ai pas une âme de spécialiste, j'aime faire l’expérience des choses, les phases d’apprentissage, la prise de risque. C'est cette tournure d’esprit qui me permet d'avoir une esthétique assez large. Ce n'est pas un positionnement commercial facile, mais je ne veux pas rentrer dans une case plutôt qu'une autre : le tactique, le couteau d'art, le couteau de terrain, le couteau forgé, l'urbain, le pur custom, la micro série, je veux faire tout cela. Je sais que c'est compliqué pour les collectionneurs, ce n'est sans doute pas judicieux de ma part, le monde qui nous entoure aime qu'on rentre dans les cases, même le monde excentrique de la coutellerie. Mais je ne crois pas à la créativité sans sincérité, c'est une de mes rares part de naïveté ! 


 Ta rencontre avec Fred Perrin fut décisive dans le déroulement actuel de tes réalisations, peux tu nous parler de cette sorte d'alchimie ?

Lorsque j 'ai rencontré Fred, je passais beaucoup de temps aux Etat Unis ou je m'entraînais en free fight assez sérieusement, j'avais construit mon atelier chez moi, mais les couteaux c' était pour les amis, pas pour vendre. Je pratiquais le karaté contact en France (discipline instituée par Dominique Valera) après avoir été en équipe de France de Yoseikan budo. J'avais des amis dans les sports de combat, et d'autres amis dans les couteaux et la forge. Fred a été la première personne à faire le lien entre les deux pratiques. Avant de le rencontrer, j'avais cette passion pour les lames, les capacités techniques de les faire, et le besoin impérieux de pratiquer les sports de combat les plus contact possible, mais je ne voyais pas comment articuler les deux. Je ne pensais pas avoir les techniques suffisantes dans chaque domaine pour en faire le centre de ma vie professionnelle, Fred m'a d'abord montrer comment je pouvais tout simplement additionner les deux.
Sans doute aussi m'a t il aider a avoir plus confiance en moi. C'est compliquer d’être une femme et de vendre les couteaux qu'on fabrique. Pas pour moi, mais c'est compliquer pour certaine personnes a recevoir, il faut beaucoup prouver, se justifier. Cela m' arrive de faire face à des réactions de détestation violente, d’incompréhension, parce que culturellement le couteau est un symbole masculin fort, et certaines personnes mettent leur masculinité en compétition avec la mienne, ce qui n'a pas de sens. Ce n est pas destiné a moi en tant que personne, mais c'est quand même à moi d y faire face. Le regard et l'analyse de Fred sur mon travail m'ont permis de comprendre, d'assumer, et de pouvoir expliquer mes objets, en quelques sorte les défendre. Pour Fred, un couteau est avant tout un couteau, qu'il soit produit par une femme ou pas. Et exposer a coté de lui calme pas mal les ardeurs... (sourire). C'est très différent de ne plus être seule a l'atelier, seule dans ma pratique, surtout quand les deux sont aussi liés, et prennent autant de place dans le quotidien. L’alchimie c'est de ne plus penser seule, de pouvoir se renvoyer les idées, en débattre, de pouvoir se soutenir ou être soutenu, d'avoir un regard masculin ou d'offrir un point de vue féminin . Comme le Yin et Yang qui sont dans toute chose, en proportions variées, nous nous équilibrons, cela nous permet de réfléchir plus loin.





 En tant que passionnée de defense personnelle et méthodes de combat avec ou sans arme, comment envisages tu la self defense au sens féminin ? 

C 'est une question difficile...Je m’entraîne en self depuis trois ans en suivant l'instruction de Fred. J'ai une expérience du combat, j'ai fait des compétitions et surtout, je me suis entraînée dans plein de salle, ou j'allais "sparer" sans connaître personne, cela m'a bien formée. La self comme je l'ai découverte avec Fred, pour moi ce n' était pas nouveau, c’était nouveau de la théoriser et de la transmettre: j'ai beaucoup voyager seule, dans plein de pays, dans plein de milieux. J'ai débarqué dans des vielles salles de boxe à Brooklyn ou dans des aéroports déserts à Moscou, le self défense, je l'ai pratiqué sur le terrain de manière spontanée, sans le savoir. Des armes improvisées qui passent les contrôles aériens j'en ai toujours eu, je ne les ai jamais achetées ! Instinct de survie, débrouillardise, on en revient a l'éducation. Et surtout, ce qui m'a sans doute tiré de pas mal de situations tendues c'est d'avoir un point de vue très cynique sur le monde qui m'entoure : je ne pense pas que le monde soit "gentil". Et c'est à ça que je veux en venir... pour moi, il n'y a pas de self féminine, il y a une pédagogie pour enseigner la self aux femmes. Je pense tout d abord qu' il y a la self des plus de 75 kg, ceux là peuvent faire du dégât à la main, ils seront à poids égal ou supérieur a leur adversaire, et il y a la self des moins de 75 kg, qui passe selon moi par les armes improvisées et avant tout «l' awarness», le principe d’être conscient du lieu ou on se trouve, l'heure, la tenue, ce qui détermine un «potentiel d'emmerdements probables». C'est là où la pédagogie diffère : la pression sociale sur les femmes est insidieuse, dès leur plus jeune âge, on leur enseigne qu'elles sont de jolies princesses, qu'elles doivent être gracieuses, responsables, sages, leur potentiel de violence est occulté, une fille ne joue pas a la bagarre sinon elle est un garçon manqué. Pourtant, elles la portent viscéralement en elles, prenez-vous en a un membre de leur famille et vous verrez ces barrières voler en éclat, c'est purement "animal", les femmes on une violence radicale. Elles en ont d’ailleurs peur, puisqu'on leur a martelé qu'elles ne sont pas faites pour ça. La self féminine passe donc par cette prise de conscience, débloquer les verrous.  Après cette phase il faut même souvent les freiner. Leur réapprendre la maîtrise, leur faire déterminer quel est leur propre seuil de déclenchement,  à partir de quand elles vont dire "NON", et ce que cela va impliquer. 
L'autre difficulté est de leur faire admettre que nous ne somme pas là pour débattre de l'injustice d'une agression mais pour y faire face. Par exemple, expliquer qu'a 2 heures du matin en sortant de boite en mini jupe, avant de rentrer en métro, il est judicieux de quitter les talons et d'enfiler une paire de ballerine sorti du sac a main, et de mettre un petit pantalon en toile qui ne tient pas de place par dessus la minijupe. La self défense féminine n'est pas féministe, il n'est pas du ressort de l'enseignant de changer la société pour que des femmes puissent rentrer chez elles habillées comme elles le voudrait, le prof est là pour leur donner des clefs pour qu'elles puissent rentrer sans encombre. C 'est tout a fait injuste mais il faut faire avec la réalité de ce qui nous entoure, est c'est un des messages dur a faire passer. De toute façon les femmes seront toujours plus en difficulté face a une agression, les motivations des agresseurs sont spécifiques, quand leur proie est une femme, les lésions que l'agression laisse sont souvent plus dramatiques, donc je pense qu'il faut leur donner des moyens radicaux, les moyen de dire "NON", juqu'au bout et de se respecter a travers cette décision.
Je ne suis pas pour les cours féminins, peut être faire une première approche entre filles mais il faut rapidement s’entraîner avec des hommes, ne serait-ce que pour se familiariser avec une part de masculin que peut d'entre elles partagent avec leurs compagnons. L’entraînement mixte est un bon moyen d’apprendre a faire attention aux messages corporels qu'elles projettent sans s'en rendre compte : pour ne pas se faire repérer comme une proie il ne faut pas s'afficher comme un appât. ( holala ça va faire crier les féministes!!). La maîtrise du langage corporel est un élément essentiel, se défendre c'est avant tout ne pas se faire agresser. Là encore, la vigilance et le discours de l'enseignant doivent être aiguisés et ne vont pas forcément plaire, il faut être très clair sur les motivations et les interactions dans les cours mixtes. Quand on y  réfléchit bien, la self pour les femmes n'est pas très agréable à enseigner, il faut avant tout les confronter une réalité abrupte et leur donner des outils souvent bancales pour se tailler une place au milieu de tout ça.
En dernier lieu, mais cela s’applique aussi aux petits gabarits masculins, la self passe par être en bonne condition physique. Il n'est pas certain que votre agresseur soit préparé à un adversaire tonique et rapide, être prêt physiquement sera toujours un avantage, la pratique des sport de combat me paraît essentielle. Sans forcement faire de la compétition, mais le sparing donne l'habitude des coups, il permet d’appendre à continuer de réfléchir sous la pression, de chercher des solutions. L’entraînement pour les femmes comme pour les hommes doit comporter des phases les plus réalistes possible, la difficulté est de ne pas se faire mal pendant l'exercice et la pratique d'un sport de combat donne souvent une aisance et une capacité technique qui aide a franchir plus vite les étape en self et à pouvoir les entraîner sans blesser son partenaire.





 Être une femme forgeron-courtelière, tout en conservant une grande part de féminité, c'est plutôt atypique, quel est ton secret ? 

C'est drôle ça comme question ! Il y a des tas de gens qui ne voient pas nécessairement cette féminité, c'est souvent mes objets qui génèrent ce genre de réflexion !
Le secret est d’être naturelle, que je le regrette ou non, la nature ne m'a pas faite pour être danseuse étoile, j'ai fais avec ma forme de corps, et j'ai accepter ma forme d’esprit. Une part d’inné, une part d’acquis sans doute, j'aime le combat et les armes, je ne m’intéresse pas tant au pourquoi, je préfère le vivre. Pour ce qui est de la forge, c'est pareil, je pratique la peinture, le dessin, la sculpture, et j'ai les capacités physiques de transformer du métal, c'est tout, coup de bol de la génétique peut être ! Forger pour moi c'est comme danser, tourner un bol en terre, ou faire une marqueterie, en plus physique, le métal est la matière avec laquelle j'ai une affinité, cela ne s'explique pas, ma chance est d'avoir l'outil corporel qui me permet de le transformer. En dehors de cela, je suis une femme comme les autres. Cela n'a pas été facile a décanter, de garçon manqué à femme "réussie", il y pas pas mal d'étapes a franchir, d'assurance à gagner, de clichés contre lesquels il faut se battre, je suis de sexe féminin, je suis donc par essence féminine, c'est l'image que l'on m'a renvoyé de moi même qui ne l’était pas toujours, il m'a fallu le recul nécessaire pour être honnête dans mon propre jugement, pour prendre conscience. Les objets que je crée m'ont aidé, ils témoignent de ce qui n'est pas forcement flagrant dans mon image. Ce sont eux qui m'ont permis d'assumer pleinement ma féminité.





Qu'est ce qu'un bon professeur d'arts martiaux et de defense personnelle selon tes critères ?

Un bon professeur est celui qui te donne envie d'apprendre, envie de te lever et d'y aller, la force de prendre la voiture sous la neige pour aller t’entraîner 2 heures après la journée de boulot et les emmerdes du quotidien
Avant tout parce qu'il rend la discipline passionnante. Un bon enseignant a une culture de ce qu'il enseigne, un niveau technique, une créativité dans les mode de transmission, une capacité d'adaptation a chacun de ces élèves, ce n'est pas l'élève qui ne comprend pas, c'est lui qui transmet mal, ce n'est pas l’élève qui n'est pas doué, c'est la technique qui n'est pas adaptée. Un bon enseignant n'éduque pas des clônes de lui même, il adapte sa pratique, il développe son point de vue, il accepte l'apport des autres a travers leurs capacités physiques différentes des siennes. Il s’intéresse aux moins doués et il a plus de fierté à voir l'élève qui avait de grandes difficultés franchir un cap que de voir l’athlète de haut niveau assimiler une technique de plus.
Un bon enseignant doit être capable de se placer en tant qu’élève, il dois se confronter a la réalité d'essayer un truc nouveau pour lequel il n'est pas forcement doué, il doit prendre plaisir a suivre l'enseignement des autres, il doit viscéralement avoir envie de s’entraîner et de continuer a progresser dans la connaissance de sa discipline.
Un bon enseignant a un discours clair et constant, il peut varier la profondeur de ce qu'il veut dire suivant le niveau de ses élèves mais il doit toujours parler dans la même direction, ne pas se contredire, parler avec justesse, être sur de ses idées, savoir les argumenter et admettre qu'il peut changer d'avis malgré tout, un bon enseignant n'est pas obtu, comme en toute chose, sa seule constante est le changement dans le respect de sa pratique.
Enfin un bon enseignant n'a pas d'ego, il transmet par besoin, donner cours est plus fort que lui, cela fait partie de la façon dont il conçoit sa pratique, il s'abreuve de ce qu'il reçoit de ces élève, c'est ce qui le fait avancer, il leur donne du sens, une forme de responsabilité, envers lui, envers eux même, ses élèves s’entraînent aussi pour lui, pour être à la hauteur de ce qu'il transmet, et c'est là toute la difficulté, l'enseignant ne doit pas utiliser ce respect qu'il génère a ses propres fins, il est facile de sombrer dans des dérives sectaires, c'est la qu'il doit savoir dompter son ego. Un bon enseignant cherche a vous rendre plus libre, dans vos mouvements, dans votre pratique, dans vos fonctionnements, il vous donne des clefs pour comprendre, pas des dogmes, il vous pousse sur votre chemin mais ne vous force pas a suivre le sien.
Il n'y a pas beaucoup de bons enseignants...





 Peu de spécialistes évoquent le principe d'E.D.C (every day carry), pour une femme, que penses tu de l'idée ?

Je pense qu'il est compliqué de se mettre a la place d'une femme si on en est pas une !  L'E.D.C., c'est déjà compliqué en général, cela dépend de ce que vous faites, où vous vivez, le potentiel de risque, le besoin d'utiliser.
En gros, si comme moi vous vivez a la campagne, que vous avez un jardin et que vous faite des travaux, l' E.D.C. varie du neck bowie inox au Spyderco serrated clip en passant par un bowie P-H Monnet... bon d'accord, qu'en est-t'il pour les urbains ? En gros en ville je vois 3 usages : manger au resto ou chez des potes avec un couteau qui coupe, ouvrir des cartons, des lettres, des emballages, enfin couper des bricoles, et éventuellement, en dernier recours l'utilisation d'une lame ou d'un objet d'impact pour la self défense.
Bien sûr les femmes n'ont pas le même rapport aux lames que les hommes, peu d'entre elles vont avoir plaisir a porter un objet tranchant, pourtant elles mangent toutes au resto ! Le premier E.D.C. que je vois pour une femme, c'est un chouette petit couteau pliant, qui va lui permettre de couper ce qu'elle a dans son assiette en pensant à celui qui lui a offert l'objet. Je pense que malheureusement peu d'hommes y pensent de cette façon. La lame qui nourrie, la lame dans son usage le plus courant, la lame objet du quotidien, qu'on a plaisir a sortir du sac a main en envoyant une petite pensée douce à celui ou celle qu'elle représente, voilà un concept E.D.C. pas suffisamment utilisé pour les femmes.
Pour les autres usages susnommés, je m'efforce de créer des objets que les femmes auront envie de porter, au même titre qu'un accessoire de mode. Bien sûr la réflexion se porte énormément sur les modes de port, et c'est une des directions de mon travail à venir, comment porter, comment dissimuler en montrant, comment placer des étuis sur une garde robe féminine, c'est un véritable casse tête.
Enfin, pour l'usage exclusivement "self-défense", je pense que les femmes ont besoin d'objets extrêmement adaptés, comme les bijoux tactiques, qui, puisque par essence se montrent, sont toujours accessibles rapidement, des "impact-tools" sympas qu'on a envie de porter ouvertement. Les femmes ont bien assez de trucs dissimulés dans leurs sacs a mains... Pour moi, leur E.D.C. doit pouvoir se montrer, faire partie de leur style vestimentaire, souligner leur personnalité, tout un programme !



Aurais-tu un mot a ajouter pour nos lecteurs ? 

Et bien si je peux ajouter quelque chose de personnel, je dirais...
Réfléchissez a votre démarche, aux raisons qui vous poussent à vous entraîner dans les sports de combat ou la self défense, prenez du recul, essayez d’être honnête avec vous même, et donc dans vos jugements sur vos profs, sur les objets que vous choisissez. Méfiez vous des "super-héros de la mort qui tue". Franchement, si vous étiez un super-héros, est-ce que vous ne seriez pas en train de sauver la planète au lieu de donner cours à 10 élèves dans une salle moisie ? Prenez votre pratique pour ce qu'elle est, prenez vous pour ce que vous êtes, si vous voulez être un soldat, et bien rentrez dans l' armée, vous voulez être un "contractor", prenez un billet pour l’étranger et allez garder des parkings, mais ne gonflez pas ceux qui s’entraînent pour d'autres motifs avec tout autant de sincérité et bien souvent plus de réussite. 
Personnellement, je fais cela parce que c'est en moi, dans ma forme de corps, mais aussi pour rester libre, libre d'avoir toujours la possibilité de faire un choix, quelles qu’en soient les conséquences.  Mais je pratique avant tout pour le bonheur que je trouve dans cet effort, pour le plaisir du jeu, de cet échange avec l'autre.
Gardez de la légèreté, allez vers ce que vous ne savez pas faire, trompez vous, recommencer, la vraie pratique a besoin de tout cela, le reste c'est du bourrage de crâne, de la répétition stérile, plus vous apprenez, moins vous devez avoir de certitudes, plus vous aurez envie d'apprendre encore...
Et avant tout, prenez soin de vous, au sens propre, votre corps est le seul véhicule que vous aurez, montrez lui votre estime, ne vous mortifiez pas, il vous le rendra bien !
Enfin, soyez heureux, le bonheur est un choix difficile, pas une fatalité, ni un hasard.



Merci beaucoup, Elsa, pour la richesse de ton propos, et à bientôt pour de nouvelles aventures !

Elsa Fantino, artisan créatrice